Explosion démographique, sentiment d’invasion, additionné des effets de la mondialisation laissent planer dans les esprits un danger pour l’identité basque. Le besoin pour les Basques de renforcer un sentiment identitaire s’affirme dans les 7 coins du pays.
C’est quoi l’identité basque ?
L’identité basque actuelle s’est construite sur des éléments traditionnels, contemporains et l’appropriation d’autres cultures qu’ elle a croisé sur sa route …
Bien au-delà des définitions politiques fixées par les revendications d’autonomie administrative ou d’indépendance… l’identité basque laisse place à toutes les interprétations, laissant libre à chacun de définir sa vision.
- L’endroit où l’on naît
- L’ascendance familiale
- Sa langue, l’Euskara, l’une des plus anciennes d’Europe.
- L’art dans son ensemble
- La gastronomie
- L’humour (oui, il y a bien un humour basque)
- Le sport
- La fête
- Un savoir-faire, une manière de faire, d’entreprendre …
- Une idéologie qui rassemble ou oppose les Basques entre eux …
- …
En bref, on ne fait rien comme les autres et on aime le faire savoir. Le basque maîtrise l’art du storytelling 😉
Un projet de résidence à Urrugne
En marge du festival de street art Points de Vue 2021 de Bayonne, deux artistes sont venus en résidence sur le territoire pour des projets de créations.
L’artiste Gonzalo Marín, alias “Taquen”, jeune illustrateur installé à Madrid, est venu fin septembre, début octobre à la rencontre des habitants de la commune de Saint-Palais et a réalisé plusieurs fresques avec des palombes stylisées en plein vol.
En décembre, avec le concours de la Communauté Pays Basque, l’artiste plasticienne Rouge Hartley s’est rendue à Urrugne pour une enquête de territoire et la réalisation de deux fresques sur le mur de la Maison des Associations Kixoenea.
Elle était accompagnée du street artiste Manolo Mesa pour l’aider dans la réflexion et la production des deux œuvres.
L’idée de départ
La culture basque est une culture qui a besoin d’être transmise.
Va-t-elle survivre davantage par un effort de conservation (muséification et folklorisation ) ou par un effort d’ouverture, d’accueil, d’appropriation au risque d’être dévoyée
Pour la petite histoire …
L’artiste Rouge dévoile ses réflexions.
Il est impossible de se rendre au Pays basque sans comprendre qu’une singularité identitaire, culturelle et écologique y règne. Je ne suis pas la première à le commenter. Lovée dans un panorama spectaculaire, une fierté habite là où les montagnes se jettent dans la mer.
La question qui m’habite ici est : qu’est-ce qu’une culture vivante ? Doit-elle craindre davantage d’annexer des influences venues d’ailleurs, d’ouvrir son sein le plus intime aux étrangers, aux touristes, aux flux, ou de se trouver muséifiée, folklorisée, voire de mourir dans le secret, quand l’âge vient faucher ses derniers représentants ?
La continuité culturelle est un sujet pour les artistes également : il existe une tension entre la tentation de conservation et celle de transmission, de diffusion et de visibilité. Cette question est peut-être encore plus sensible dans les arts urbains, où l’hyper présence des œuvres rivalise avec l’éphémère et l’érosion. Pour autant, ces tensions sont souvent intégrées par les artistes comme terrains de jeu plutôt que contrariétés.
J’ai eu envie d’aborder cette question par un détour botanique, parce que le territoire est particulièrement riche en écosystèmes spécifiques, abris précieux de nombreuses espèces rares et menacées. Dans la région vivent des oiseaux dont il n’existe plus que 3 individus et dont la reproduction est cruciale (cette idée n’en finit pas de m’abasourdir). J’ai eu la chance de rencontrer Imanol au CPIE littoral basque et notre échange a confirmé mon intuition : on trouve dans la nature autant de rapports de symbiose que de tension, voire d’invasion ou de menace. J’ai appris qu’une espèce, même envahissante, pouvait ne pas être considérée comme telle, tant qu’elle est identifiée comme autochtone. Pourtant, si on pense en temps géologique, au fond tout vient d’ailleurs, rien n’est « d’ici ». Il en va de même pour tout : nos habitudes culinaires, nos motifs, nos danses, nos chants. Et le statut « d’autochtone » dépend parfois de facteurs aussi subjectifs que le capital sympathie d’une fleur par exemple, ou de l’usage populaire qui l’érige en emblème. En botanique, on peut parler d’espèces « mutualistes », « sentinelles », ou « ingénieurs », selon le rôle qu’elle joue dans un écosystème et j’y ai trouvé là, l’angle à la fois politique et poétique que je recherchais.
J’ai identifié un cycle en particulier, une collaboration incroyable entre une fleur (la gentiane des marais), un papillon (L’Azuré pulmonanthe) et une fourmi (la Myrmica), dont la symbiose est à la fois menacée et autorisée par les pratiques d’écobuage. Lorsque l’on s’intéresse au vivant, on découvre vite que rien n’est simple, ni manichéen…
À cette recherche, est venue se superposer une tout autre histoire : l’importation aux États-Unis du savoir-faire pastoral basque entre 1850 et 1950. Ce qui m’a percutée dans cette diaspora de bergers, c’est le déplacement de l’identité Basque dans un espace étranger, telle « une espèce » importée et « ingénieure », dont l’action sur un territoire en a modifié les usages.
Le détour par la faune et la flore m’autorise un autre parti pris : traiter un sujet qui m’est cher, celui d’une équivalence du vivant, d’une sensibilité au tissu du monde dans lequel nous sommes pris.
« C’est notre manière d’habiter qui est en crise. Et notamment par son aveuglement constitutif qu’habiter, c’est toujours cohabiter, parmi d’autres formes de vie, parce que l’habitat d’un vivant n’est que le tissage d’autres vivants. (…) L’enjeu est donc de repeupler, au sens philosophique, de rendre visible que la myriade de formes de vies qui constituent nos milieux donateurs sont, depuis toujours, non pas un décor pour nos tribulations humaines, mais les habitants de plein droit de ce monde. Parce qu’ils le font par leur présence. La micro-faune des sols fait, littéralement, les forêts et les champs. Les forêts et la vie végétale des océans fabriquent l’atmosphère respirable qui nous accueille. Les pollinisateurs font, littéralement, ce que nous appelons, candides, le « printemps », comme si c’était un cadeau de l’univers, ou du soleil : non, c’est leur action bourdonnante, invisible et planétaire, qui appelle chaque année au monde, à la sortie de l’hiver, les fleurs, les fruits, les dons de la terre, et leur retour immémorial. » (Baptiste Morizot, 2020, Manières d’être vivant : Enquêtes sur la vie à travers nous, Actes Sud).
Cette équivalence – je le pressens depuis longtemps – s’incarne dans la peinture en elle-même ; matière pigmentée dont la chair forge autant la laine du mouton, l’épiderme d’une main, que le reflet d’une fenêtre… Car en terme pictural, nous ne sommes jamais rien de plus que des lignes et des touches juxtaposées.
Quand je compose une œuvre, j’aime que s’y entrechoquent des images et qu’elles s’interrogent entre elles ou tissent une histoire. C’est un dispositif que je crois emprunter au cinéma, où des collisions d’images et de plans interviennent sans cesse. Ce qui me plait dans ces compositions, dans ces intrusions d’hypothèses les unes dans les autres, c’est d’expérimenter une forme de relation, et là encore, d’interdépendances.
Plus d’informations sur le festival de street art Points de Vue
Le site officiel
https://www.pointsdevue.eus
La carte des fresques
https://carte.pointsdevue.eus/